Un sauté thaïlandais de porc et haricots croquants enrobés d’une pâte de curry rouge maison aux parfums d’agrumes et d’épices.
Le nom promet du gingembre (« khing » en thaï). Pourtant, la plupart des woks de Pad Prik Gaeng diffusent surtout le piment et les feuilles de combava, sans la moindre trace du rhizome. Cette absence intrigue érudits et cuisiniers.
Si le gingembre reste en coulisses, qu’est-ce qui rend alors ce sauté sec de curry rouge si authentique ? Pour le comprendre, suivons son évolution, de la ration de voyage des rois au plat express des échoppes urbaines. Vous saurez ensuite reconnaître l’original face à ses sosies nappés de coco.

D’une ration de voyage à un classique thaï
Le Pad Prik Gaeng a gagné ses galons sur la route. Les livres de cuisine du palais, au début du XXᵉ siècle, décrivent des cuisiniers qui font d’abord fondre de la graisse de porc.
Ils y font ensuite frire une pâte de curry rouge jusqu’à ce qu’une huile écarlate affleure, puis ajoutent du porc et laissent le mélange se dessécher presque entièrement. Grâce à cette texture très sèche, le plat suivait sans peine soldats et marchands soumis à la touffeur tropicale. Aucun légume : on privilégiait la conservation.
Avec l’urbanisation et l’essor des marchés, la recette s’est autorisée quelques écarts. Les haricots kilomètres ont apporté un croquant légèrement sucré, la poitrine de porc croustillante a enrichi les textures, et les feuilles de combava déchirées ont ajouté leur note d’agrumes.

La protéine reste libre : un prince aventureux aurait même réclamé de la viande de varan, preuve que l’essentiel tient à la pâte et à la technique plutôt qu’à la viande. Curieusement, sur le web français, on trouve surtout la version au poulet.
Les ingrédients, technique et saveurs du sauté au curry rouge
Une pâte orthodoxe rassemble des piments spur séchés pour la chaleur, de l’ail et de l’échalote pour la profondeur, de la citronnelle et du galanga pour la morsure, du zeste de combava pour le parfum, et une larme de pâte de crevettes pour le côté corsé.

Remarquez ce qui manque : ni coco, ni cacahuète, ni gingembre. Le mélange est pilonné jusqu’à devenir luisant, puis saisi dans l’huile jusqu’à « se briser » : l’huile rouge se sépare et parfume la cuisine.
La viande arrive ensuite (souvent poitrine ou épaule de porc) ; son gras se mêle à l’huile pimentée. Viennent alors les haricots kilomètres , qui restent fermes pendant que le wok évapore presque toute l’humidité. La saveur se déploie en trois temps : d’abord la salinité de la sauce poisson, puis la brûlure nette du piment, enfin la douceur du sucre de palme qui caramélise en surface.
Des filaments de feuilles de combava, émincés finement, sont indispensables : ils libèrent, dès qu’ils touchent la poêle, un arôme citronné caractéristique.
Débats modernes au fond du mortier
Le gingembre mérite-t-il parfois une invitation ? Les puristes du Centre crient « jamais ». À Songkhla, dans certains foyers du Nord et dans la version aux couteaux de mer de Samut Songkhram, on en glisse pourtant un peu dans la pâte.
La confusion s’épaissit quand, à l’étranger, des menus rebaptisent un panang crémeux « prik khing » : la présence de lait de coco montre aussitôt que vous mangez autre chose. Les pressés peuvent ouvrir un pot de pâte Maesri, à condition de la faire revenir dans l’huile et de la réveiller avec un peu de citronnelle ou d’ail pilé : un raccourci n’a pas à paraître bas de gamme.
Variations régionales
À Bangkok, la version des échoppes marie des dés de poitrine de porc croustillante, des haricots couleur émeraude et de fins rubans de combava. À Songkhla, on ajoute des cacahuètes moulues qui apportent une note pralinée et, parfois, une pointe de gingembre.

Dans le Nord, les versions « kap moo » remplacent la poitrine par des grattons croquants et accentuent la chaleur du gingembre. Les pêcheurs de Samut Songkhram, eux, mêlent des couteaux de mer à la pâte, preuve que les fruits de mer portent le curry aussi fièrement que le porc. Point commun : une technique sèche, brillante d’huile, et l’absence totale de lait de coco.
Déguster le Pad Prik Gaeng à la thaïlandaise
Les Thaïlandais amortissent la puissance du curry avec du riz jasmin cuit à la vapeur, parfois surmonté d’un œuf frit aux bords croustillants dont le jaune coulant adoucit la brûlure. Des bâtonnets de concombre bien frais attendent sur le côté, prêts à calmer les langues en feu. Le plat nourrit même un idiome : « ถึงพริก ถึงขิง », littéralement « tout piment, tout gingembre », c’est-à-dire « se donner à fond ».
Pour beaucoup, l’odeur de la pâte de curry qui frit renvoie à l’enfance : la fumée piquante du piment qui chatouille le nez, la graisse de porc qui crépite et, au fond de l’assiette, la surprise de quelques éclats de couenne croustillante.

Authentique Pad Prik Gaeng – Sauté de porc au curry rouge
Ingrédients
- 250 g de porc finement tranché
- 140 g de haricots kilomètre en tronçons de 2,5 cm
- 3 cuillères à soupe d’huile végétale
- 2 cuillères à soupe de sauce poisson
- 1 cuillère à soupe de sucre de palme
- 4 feuilles de combava finement émincées, pour la garniture
Pâte d’épices
- 6 g de piments rouges séchés environ 5 entiers ou 2 cuillères à soupe en tranches
- 12 g d’échalotes environ 5 petites, hachées
- 12 g d’ail environ 2 gousses, haché
- 3 g de galanga
- 5 g de citronnelle finement émincée
- 2 g de grains de poivre blanc environ 5 grains
- 2 g de racine de coriandre environ 1 racine, substituable par la tige sans feuilles
- 1 cuillère à café de zeste de combava
- 1 cuillère à café de sel
- 1 cuillère à café de pâte de crevettes
Procédé
Préparation de la pâte
- Pilez tous les ingrédients de la pâte dans un mortier jusqu’à obtenir une pâte de curry rouge lisse et parfumée.6 g de piments rouges séchés, 12 g d’échalotes, 12 g d’ail, 3 g de galanga, 5 g de citronnelle, 2 g de grains de poivre blanc, 2 g de racine de coriandre, 1 cuillère à café de zeste de combava, 1 cuillère à café de sel, 1 cuillère à café de pâte de crevettes
Cuisson
- Chauffez l’huile dans un wok à feu moyen puis faites frire la pâte de curry jusqu’à ce qu’elle soit très aromatique et que l’huile rouge se sépare.3 cuillères à soupe d’huile végétale
- Ajoutez le porc et faites sauter jusqu’à ce que les tranches soient presque cuites.250 g de porc
- Incorporez les haricots kilomètre, assaisonnez de sauce poisson et de sucre de palme, puis remuez jusqu’à ce que les haricots restent verts et que le curry soit presque sec ; terminez avec les feuilles de combava et servez immédiatement.140 g de haricots kilomètre, 2 cuillères à soupe de sauce poisson, 1 cuillère à soupe de sucre de palme, 4 feuilles de combava
Notes
- Le pad prik khing est un curry « sec » sans lait de coco ; veillez à bien frire la pâte pour libérer sa couleur rouge et ses arômes.
- Ajoutez les feuilles de combava en fin de cuisson pour préserver leur parfum intense d’agrumes.
- Une cuisson brève garde les haricots croquants et la couleur rouge-orange éclatante.
Nutrition
Sources culinaires
- Pad phrik khing – Wikipédia (thaï)
- Pad prik khing aux crevettes– Épisode XII du curry thaï – The High Heel Gourmet (anglais)
- Recette de gai pad prik gaeng (comment faire du poulet sauté au curry pimenté) – Eating Thai Food (anglais)
- Pad prik khing – Reddit (anglais)
- Panang vs curry prik khing – Reddit (anglais)
- « Pad prik khing » n’est pas « sauté piment-gingembre » ? – WAY Magazine (thaï)
- Qui a d’autres noms de plats thaïs à partager ? – Facebook (thaï)
- Acheter une pâte pour mon plat thaï préféré : pad prik khing – Reddit (anglais)