Un curry Hang Lay thaïlandais mijoté longuement, où le porc fondant s’imprègne d’épices parfumées et de pâte de curry maison.
Soulevez le couvercle d’une marmite de Gaeng Hang Lay. Un parfum de gingembre, de tamarin, de clou de girofle et de gras de porc fondu s’en échappe. Loin des currys saturés de lait de coco, tels que le curry rouge thaï ou le curry vert thaï, que connaissent la plupart des voyageurs, ce classique du Nord de la Thaïlande s’appuie sur des épices sèches d’inspiration indienne et sur la note acidulée de l’ail mariné.
Une cuisson réussie se termine par un voile d’huile rouge collé aux cubes de poitrine de porc fondants. La première cuillerée se révèle douce, aigre puis subtilement poivrée : une progression si paisible que « les enfants peuvent en manger, les adultes en raffolent » dit le dicton local. Histoire et rituel s’y retrouvent.

Des racines birmanes à l’emblème lanna
La seule prononciation du nom révèle déjà un voyage. Le birman hin hle (littéralement « curry lourd ») a quitté la Birmanie avec marchands et soldats et s’est mué en « hang lay ». Il s’est ensuite installé dans les cuisines lanna au fil des siècles de contacts, notamment durant la domination birmane du XVIIIe siècle.
Au départ, il ne s’agissait que d’un ragoût de porc, de sel et d’épices sèches. Les cuisiniers du Nord l’ont rapidement enrichi : citronnelle et galanga pour le parfum, tamarin pour la vivacité, un soupçon de sucre de canne pour adoucir.
Les recettes d’archives conservées à l’université Mahidol corroborent encore celles des marchés : pas de lait de coco, une pâte dominée par le gingembre pilonnée dans un mortier de terre cuite et, toujours à portée de main, un sachet de phong hang lay, le masala local. Ce qui avait commencé comme une importation est devenu un jalon gastronomique aussi emblématique du Nord que les temples de teck qui ponctuent ses collines.
Nourriture de fête & banquets communautaires
Le Gaeng Hang Lay se prépare dès que la vie prend un tour communautaire : jours de mérite, dîners de mariage khantok ou matin où l’on abat le cochon du village.
Les anciens se souviennent de très grands chaudrons, laissés à frémir pendant que les voisins tressent des sachets de riz gluant dans des feuilles de bananier. L’adage « un seul curry nourrit tout le village » n’a rien d’exagéré : la longue mijotée libère les cuisiniers, qui peuvent se consacrer aux cérémonies tandis que les saveurs s’épanouissent.
Au coucher du soleil, les bols d’aumônes des moines comme les assiettes des foyers se remplissent de la même sauce rouge brique, goût partagé de la célébration.
Le plan de saveurs : ingrédients & techniques

Toute marmite repose sur deux fondations. La première est la pâte fraîche : piments secs réhydratés, citronnelle, galanga, curcuma, ail, échalote et une noisette de pâte de crevette. Le tout est pilonné jusqu’à faire perler les huiles sur les parois du mortier. Vient ensuite une poignée de phong hang lay (cumin, coriandre, clou de girofle, cannelle, badiane et autres épices grillées).
À mi-cuisson, entre la première et la troisième heure, les « trois amis » intègrent la marmite : lamelles de gingembre croquantes, gousses d’ail entières et bulbes d’ail mariné aux bords sirupeux. Une poignée de cacahuètes grillées épaissit la sauce tout en y apportant une note beurrée.
L’assaisonnement est un ajustement progressif : sucre de palme pour adoucir, sel ou filet de sauce poisson pour ancrer, et parfois une cuillerée de tamarin pour raviver l’acidité. Le résultat attendu est clair. La viande doit céder sous les baguettes, la sauce, épaisse comme un miel tiède, est surmontée d’une huile translucide couleur rouille : la signature du chef.
Au resto: comment reconnaître un authentique Gaeng Hang Lay ?
Parcourez les forums de cuisine thaïe et vous verrez fleurir des discussions enflammées, qui dissèquent les « règles » du Hang Lay.
La plupart des cuisiniers concèdent qu’un sachet d’assaisonnement industriel peut renforcer les saveurs, mais seulement en complément d’une pâte pilonnée à la main ; s’en remettre à son contenu seul attire aussitôt des railleries polies.
Les traditionalistes veillent au temps : une longue cuisson reste indispensable. Quant à la marinade, quelques heures, idéalement une nuit, donnent les meilleurs résultats. Un passage à l’autocuiseur rendra peut-être la viande tendre, mais l’arôme manque alors de profondeur.
Les substitutions d’ingrédients déclenchent elles aussi des débats : un mélange vinaigre + sucre pour remplacer l’ail mariné rare est toléré ; le jus de prune à la place du tamarin l’est beaucoup moins, et quiconque omet la pâte de crevette est prié de rebaptiser le plat.

Les incontournables des puristes
Pas de lait de coco ni de pommes de terre, qui feraient basculer le plat vers le domaine du Massaman. Un véritable Hang Lay doit affirmer le gingembre, afficher un accent tamarin et dissimuler de tendres gousses d’ail mariné dans chaque cuillerée. La pâte d’herbes fraîches et le masala sec œuvrent de concert ; une seule cuillérée de curry en poudre générique reste le drapeau rouge suprême.
À travers le Nord : styles régionaux & secrets de famille
Dans le Nord de la Thaïlande, le curry varie d’une province à l’autre. Le standard d’obédience birmane est épais, huileux et franchement salé-acidulé, guère plus que du porc et des épices.
À Chiang Saen, on y mêle haricots longs, bambou mariné et sésame grillé, rapprochant le plat du sauté frugal appelé gaeng ho. Les palais de Chiang Mai penchent vers une touche de douceur, portée par un supplément de sucre de palme ou par le sirop d’ail mariné, tandis que Chiang Rai et Nan préfèrent une acidité de tamarin plus vive et ne lésinent jamais sur les cacahuètes.
Les carnets familiaux ajoutent d’autres singularités : une tranche de santol pour une note fruitée, une rondelle de pâte de soja fermenté pour le goût « funk », voire des morceaux d’ananas pour attendrir la viande. Ces variantes illustrent l’adage thaïlandais « สูตรบ้านใครบ้านมัน » (« à chaque maison sa recette »).
Déguster le plat
Le riz gluant demeure l’accompagnement classique des dîners khantok, mais les foyers d’aujourd’hui n’hésitent pas à verser le curry sur du riz jasmin. Le lendemain, les saveurs gagnent encore en profondeur ; les restes sont alors effilochés dans un gaeng ho de nouilles de verre, afin qu’aucune goutte de sauce ne se perde.
Les chefs contemporains séduisent les urbains avec une pincée de poivre citronné makhwaen ou une coiffe de couennes croustillantes, mais l’essentiel reste intact : dès que l’huile rouge affleure et que l’arôme de gingembre se lève, le plat rappelle la tradition nord-thaïe plus fort que n’importe quel décor. La dernière bouchée mêle douceur épicée, pointe de tamarin et croquant d’une cacahuète légèrement ramollie.

Gaeng Hang Lay – Curry thaï de porc
Ingrédients
Curry principal
- 400 g de poitrine de porc coupée en cubes de 5 cm
- 400 g d’épaule de porc grasse, coupée en cubes de 5 cm
- 1 tasse de pâte de curry Hang Lay fraîchement pilée
- 2.5 litres d’eau à ajouter progressivement pendant le braisage
- 1 cuillère à café de sel
- 2 cuillères à café de sauce soja noire thaï sucrée
- 3 cuillères à soupe de sucre de palme
- 60 ml de jus de tamarin
- 4 gousses d’ail vinaigrées légèrement écrasées
- 2 cuillères à soupe de masala Hang Lay remplacer par garam masala
- 100 g de gingembre en julienne
- 20 gousses d’ail thaï pelées, n’utiliser que la moitié d’ail normal
Pâte de curry Hang Lay
- 15 gros piments rouges séchés épépinés et trempés jusqu’à ramollissement
- 1 cuillère à café de sel
- 1 cuillère à soupe de galanga finement émincé
- 4 tiges de citronnelle finement émincées
- 30 gousses d’ail thaï n’utiliser que la moitié d’ail normal
- 6 échalotes émincées
- 2 cuillères à café de pâte de crevettes (kapi)
Pour servir
- Riz gluant cuit à la vapeur
Procédé
Pâte de curry
- Piler les piments trempés avec le sel jusqu’à obtention d’une pâte fine.15 gros piments rouges séchés, 1 cuillère à café de sel
- Ajouter le galanga et la citronnelle, puis piler jusqu’à texture lisse.1 cuillère à soupe de galanga, 4 tiges de citronnelle
- Incorporer l’ail, les échalotes et la pâte de crevettes pour obtenir une pâte homogène.30 gousses d’ail thaï, 6 échalotes, 2 cuillères à café de pâte de crevettes (kapi)
Porc
- Rincer puis couper la poitrine et l’épaule de porc en cubes de 5 cm.400 g de poitrine de porc, 400 g d’épaule de porc
- Mettre la pâte de curry dans une grande casserole, ajouter un peu d’eau et bien mélanger.1 tasse de pâte de curry Hang Lay, 2.5 litres d’eau
- Ajouter les morceaux de porc et remuer à feu moyen 3 minutes jusqu’à ce que la surface se raffermisse.
- Verser progressivement le reste de l’eau; assaisonner avec le sel, la sauce soja noire, le sucre de palme et le jus de tamarin.1 cuillère à café de sel, 2 cuillères à café de sauce soja noire thaï sucrée, 3 cuillères à soupe de sucre de palme, 60 ml de jus de tamarin
- Ajouter l’ail vinaigré, le masala Hang Lay, le gingembre et les gousses d’ail entières.4 gousses d’ail vinaigrées, 2 cuillères à soupe de masala Hang Lay, 100 g de gingembre, 20 gousses d’ail thaï
- Laisser frémir très doucement pendant 4 heures, en ajoutant de l’eau si besoin, jusqu’à ce que le porc soit fondant et qu’une couche rouge de graisse remonte.
- Servir chaud accompagné de riz gluant cuit à la vapeur.Riz gluant cuit à la vapeur
Notes
Nutrition
Sources culinaires
• Curry de porc du nord de la Thaïlande, « Gaeng Hanglay » – ImportFood (anglais)
• Kaeng hang le – Wikipédia (anglais)
• « Chacun sa recette » : toutes les variantes du kaeng hang le – KRUA.CO (thaï)
• Kaeng hang le, plat local du Nord : d’où vient-il ? – Lampang Info (thaï)
• เมนูอาหารไทย – INMU, Université Mahidol (thaï)
• Curry de porc birman au gingembre (Gaeng/Kaeng Hang Ley) – With a Glass (anglais)
• Gaeng Hang Lay Moo – recette de curry de poitrine de porc du Nord de la Thaïlande – Grantourismo Travels (anglais)
• Base de données de Chiang Rai – Kaeng hang le – Sites Google (thaï)
• Hung Lay Curry… une spécialité du Nord de la Thaïlande… – CarolCooks2 (anglais)
• Kaeng hang le de Chiang Saen, cuisine ethnique thaï yuan – Local Food Discovery (thaï)
• Poitrine de porc braisée au curry malaisien (Gaeng Hung Lay) – Feral Cooks (anglais)
• Kaeng hang le, recette traditionnelle du Nord – TikTok (thaï)