Un bouillon coco épicé garni de crevettes, poulet, nouilles de riz et herbes fraîches pour une laksa riche et parfumée.
La première chose qu’on remarque, c’est le parfum. La crème de coco s’épanouit dans une chaleur pimentée qui tourbillonne au-dessus des marmites d’une aire de restauration de Kuala Lumpur.
Une cuillerée plus tard, la thèse silencieuse du plat se dévoile : le laksa lemak est « un bol, de multiples cultures », une soupe qui condense des siècles de migrations, de mariages et d’échanges maritimes dans un velouté.
Pour l’apprécier pleinement, nous remontons vers les détroits où il est né. Nous observons le moulin à épices qui lui donne corps, comparons les principes des puristes aux libertés modernes, puis le dégustons tant que les nouilles grincent encore entre les baguettes.

Origines & Culture
La généalogie du laksa commence avec les Peranakans, descendants de commerçants chinois établis depuis plusieurs siècles sur la péninsule malaise, qui épousèrent des femmes locales. Dans leurs cuisines, les soupes de nouilles chinoises se mêlèrent aux pâtes d’épices malaises, donnant naissance à un nouveau canon résolument parfumé.
Les villes portuaires telles que Malacca et Penang continuèrent d’enrichir le bol : selon certaines traditions orales, les anciennes routes maritimes auraient aussi apporté des épices comme la cannelle ou les clous de girofle.
Pendant ce temps, les crevettes séchées arrivaient par sacs entiers depuis les côtes de Bornéo. Avec le temps, la soupe s’imposa sous un nom unique, appelé tantôt laksa lemak, tantôt curry laksa selon les régions, mais son âme demeura inconfondable.
Aujourd’hui, c’est le petit-déjeuner des jours ouvrables, le réconfort de la mousson et le test décisif des étals de rue ; si la file n’est pas longue, les habitués poursuivent leur chemin.
Anatomie du bol

Le rempah est le cœur du plat : une pâte d’épices rouge brique qui crépite au contact de l’huile chaude. Des oignons (ou de grosses échalotes « bananes ») et de l’ail apportent la douceur, tandis que des morceaux de curcuma et de galanga frais, gros comme un pouce, diffusent leur chaleur gingembrée.
Quatre tiges de citronnelle écrasées offrent un élan d’agrume ; le belacan (crevettes fermentées) installe une profondeur terrienne ; cinq noix de bancoule (ou, à défaut, de macadamia) fondent dans le mélange pour le rendre encore plus onctueux. Faites revenir la pâte jusqu’à ce que l’huile se teigne d’orange et parfume toute la cuisine.
Le bouillon gagne en caractère grâce à un double fond : des carapaces de crevettes mijotées dans leur propre eau, que nous renforçons ensuite avec quelques cubes de bouillon de volaille et des morceaux de poulet jusqu’à ce que le liquide prenne une teinte de coucher de soleil.
Du lait de coco épais, ajouté en fin de cuisson, enveloppe le tout d’un voile onctueux tout en laissant la chaleur du piment ressortir.
Les nouilles sont de fraîches lanières de riz dédiées au laksa, assez robustes pour retenir la sauce mais suffisamment élastiques pour échapper à la cuillère. Des ramen de blé japonais ou des vermicelles de haricot mungo flotteront tout aussi joyeusement, mais la mâche diffère ; pour bien des Malaisiens, c’est là que réside tout l’intérêt.
Les garnitures évoquent l’étal d’un marché humide. Des crevettes pochées se lovent à la surface ; des morceaux de poulet de la taille d’une bouchée coulent à mi-hauteur ; pendant ce temps, les beignets de tofu absorbent le bouillon, libérant une note coco à chaque morsure. Des boulettes de poisson ou des tranches de surimi fines comme du papier constituent des fioritures facultatives rappelant le patrimoine côtier du plat.
La touche finale est vive et brute : de la coriandre vietnamienne (daun kesum) effilochée et quelques éclats de boutons de gingembre torche insufflent une fraîcheur mentholée, des quartiers de citron vert ajoutent une note acidulée, et une cuillerée de sambal de crevettes repose sur le rebord pour ceux qui mesurent le plaisir en unités Scoville.
Qu’est-ce qu’un véritable Laksa ?
Les puristes tracent trois lignes rouges : le belacan pour la profondeur, le kesum pour le parfum herbacé et le lait de coco pour la texture. Remplacer l’un de ces piliers par un substitut plus doux donnera certes une soupe savoureuse ; ce ne sera plus pour autant un laksa lemak.
Les étals de rue, cependant, se montrent pragmatiques. Certains allongent le lait de coco avec du lait en poudre pour réduire les coûts ; des cuisiniers pressés se fient à des pâtes prêtes à l’emploi ; les végans expérimentent le soja fermenté au miso pour imiter le côté animal de la pâte de crevettes.

À l’étranger, la créativité fleurit. Un foodtruck de Melbourne fait tourbillonner du beurre de macadamia dans le bouillon pour plus de brillance, tandis qu’un bar à ramen new-yorkais plonge des nouilles de blé frisées dans le laksa afin que les clients puissent faire tournoyer plutôt qu’aspirer.
Au final, l’authenticité se juge là où les baguettes rencontrent la bouche : le bol évoque-t-il la maison, ou du moins un souvenir que nous voulons chérir ?
Comment servir et déguster la soupe Laksa ?
Le bol s’assemble généralement en couches rapides : les nouilles se déposent d’abord ; une cascade brûlante de bouillon doré suit ; puis crevettes, poulet et tofu frémissent dans la vapeur montante.
Des moitiés d’œufs durs et des allumettes de concombre tempèrent la chaleur, tandis qu’une poignée de crevettes blanchies supplémentaire couronne les versions festives.
Un jus de calamansi bien frais tranche la richesse du lait de coco par une acidité vive, et une bière blonde venue de la Thaïlande voisine atteint le même équilibre. Il reste rarement du bouillon, mais si c’est le cas, le faire réduire le lendemain sur le feu offre un ragoût de coco iodé parfait pour des moules ou comme base épicée d’un risotto.

Authentique Laksa
Ingrédients
Pâte d’épices
- 3 oignons moyens
- 3 gousses d’ail
- 1 poignée de crevettes séchées rincées et brièvement trempées
- 4 tiges de citronnelle
- 4 cm de racine de curcuma frais
- 1 cuillère à café de pâte de crevettes grillée belacan
- 3 cm de galanga
- 5 noix de bancoule remplacez par noix de macadamia
- 180 ml d’huile neutre pour cuire la pâte
Ingrédients
- 1 bouquet de coriandre vietnamienne
- 2 fleurs de gingembre torche optionnel, remplacez par un petit coeur tendre de citronnelle
- 4 cuillères à soupe de pâte de piment
- 2 tasses de lait de coco épais
- 2.5 L d’eau
- 500 g de crevettes moyennes cuites dans 440 ml d’eau, garder l’eau de cuisson
- 500 g de poulet coupé en petits morceaux
- 10 boules de tofu coupées en deux
- 2 cubes de bouillon de poulet
- 5 tranches de tamarin séché
- sel au goût
- pincée de sucre au goût
- 1 paquet de nouilles de riz laksa cuites jusqu’à tendreté
Ingrédients optionnels et garniture
- boulettes de poisson selon envie
- gâteau de poisson en tranches selon envie
- crevettes supplémentaires blanchies selon envie
- feuilles supplémentaires de kesum finement émincées
- 1 oignon rouge finement émincé
- œufs durs coupés en deux
- 1 concombre taillé en julienne
- sambal de crevettes
- quartiers de citron vert
Procédé
Préparation
- Cuire les crevettes dans 500ml d'eau et réserver

- Mixer tous les ingrédients de la pâte d’épices jusqu’à obtention d’une purée lisse.3 oignons moyens, 3 gousses d’ail, 1 poignée de crevettes séchées, 4 tiges de citronnelle, 4 cm de racine de curcuma frais, 1 cuillère à café de pâte de crevettes grillée, 3 cm de galanga, 5 noix de bancoule

- Chauffer l’huile neutre puis faire revenir la pâte d’épices mixée avec la pâte de piment jusqu’à ce que l’huile se sépare et que le parfum soit bien présent.180 ml d’huile neutre, 4 cuillères à soupe de pâte de piment

- Ajouter l’eau et porter à ébullition, incorporer le poulet et cuire jusqu’à complète cuisson avant d’ajouter la coriandre, les fleurs de gingembre, les cubes de bouillon, les boulettes de poisson, les tranches de gâteau de poisson, les boules de tofu et le bouillon de crevettes réservé.2.5 L d’eau, 500 g de poulet, 1 bouquet de coriandre vietnamienne, 2 fleurs de gingembre torche, 2 cubes de bouillon de poulet, boulettes de poisson, gâteau de poisson en tranches, 10 boules de tofu, 500 g de crevettes moyennes

- Verser le lait de coco en remuant sans cesse pour éviter qu’il ne caille puis, dès la reprise de l’ébullition, couper le feu et assaisonner de sel et de sucre.2 tasses de lait de coco épais, sel, pincée de sucre

Service
- Disposer les nouilles de riz laksa dans un bol, napper généreusement du bouillon coco avec garnitures puis décorer d’oignon émincé, de concombre en julienne, de feuilles de kesum, d’un quartier de citron vert, d’un demi-œuf dur et éventuellement de crevettes blanchies.1 paquet de nouilles de riz laksa, 1 oignon rouge, 1 concombre, feuilles supplémentaires de kesum, quartiers de citron vert, œufs durs, crevettes supplémentaires blanchies

- Servir le sambal de crevettes à part.sambal de crevettes
Notes
Cette version est un hybride laksa lemak / curry-laksa : riche en coco, accentuée sur les fruits de mer et rafraîchie par des herbes locales.
Sources culinaires
• Déconstruction du laksa, plat fusion de Malaisie et de Singapour – National Geographic (anglais)
• Laksa au curry malaisien – Reddit (anglais)
• Recette authentique du laksa de Sarawak – TasteAtlas (anglais)
• Recette maison du laksa de Sarawak 砂拉越叻沙 – Huang Kitchen (anglais)
