Une soupe thaïlandaise Tom Saap parfumée et relevée, où un bouillon de porc mijoté se marie à une pâte d’herbes torréfiées, au citron vert et aux flocons de piment.
Prononcez saap dans le dialecte Isan et le décor est planté : le mot signifie simplement « délicieux ». Ajoutez le doux verbe tom (« faire bouillir »). Vous obtenez alors le Tom Saap, un bol au parfum si affirmé qu’il représente une véritable abréviation comestible du Nord-Est thaïlandais.
Le tom yum s’est imposé sur les cartes postales et les menus de restaurants à l’étranger. Le Tom Saap, moins médiatisé, garde un accent résolument nord-est, bien qu’il ait désormais conquis Bangkok et de nombreuses capitales étrangères.

C’est un bouillon clair, au tempérament vif, traversé de citronnelle, de galanga, de feuilles de combava, de piments grillés et d’une poudre de riz torréfié aux reflets noisette.
Des feux des rizières aux rues de la ville : origines et contexte culturel
Le Tom Saap est né là où les rizières rejoignent la forêt dense : une soupe paysanne ingénieuse capable d’attendrir les morceaux de bœuf coriaces, les abats ou tout ce qui tombait dans la marmite.
Les premiers bouillons mijotaient lentement sur un feu de bois ; les os relâchaient leur collagène tandis que la bile de vache, recherchée pour son amertume franche, apportait une saveur plus complexe. Les cuisiniers locaux citent encore l’ancien adage : bo khom bo saap – บ่ขมบ่แซบ – « si ce n’est pas amer, ce n’est pas délicieux ».
À la fin du XXe siècle, des vagues d’ouvriers Isan prenaient les trains de troisième classe vers les chantiers de Bangkok, emportant leurs envies dans des gamelles. Les vendeurs de rue suivirent, remplaçant les abats de bœuf par des travers de porc, plus appréciés, tout en préservant l’aromatique à base d’herbes.

Nuit après nuit, des bols de Tom Saap enveloppaient de buée les tables en plastique dressées devant les tours à bière, consacrant le plat comme l’gap glaem (encas d’accompagnement) ultime : nourriture destinée à faire circuler à parts égales paniers de riz gluant et ragots. Aujourd’hui, il suffit d’examiner les cartes urbaines, de Singapour à Stockholm, pour suivre ces chemins de migration : chaque bol parle toujours Isan couramment, même si l’accent s’adoucit à l’étranger.
Le véritable Tom Saap, kézaco ?
Un Tom Saap authentique libère d’abord la citronnelle, puis la note résineuse et nette du galanga, avant le claquement d’agrume des feuilles de combava. Si l’une manque, l’accord s’effondre.

La profondeur provient d’un bouillon osseux (travers de porc ou jarret de bœuf) voilé par le collagène, jamais par du lait de coco. Lorsque le feu est coupé, une poignée de coriandre longue (ผักชีฝรั่ง) et de ciboule émincée (ต้นหอม) flotte à la surface ; la coriandre « classique » n’est ici qu’une visiteuse du Centre.
Le piment intervient à deux moments clés : des flocons fumés de piments grillés incorporés dès le départ, puis des piments œil-d’oiseau écrasés juste avant de servir. Enfin, la marque de fabrique de la région, une cuillerée de poudre de riz grillé, ajoute un parfum de feu de camp et une texture légèrement sableuse qui s’accroche aux lèvres.
L’Équilibre feu-acidulé avec un soupçon d’amertume
Un bol authentique fait perler la sueur sur les tempes tandis que le citron vert pince l’arrière de la mâchoire. La pulpe de tamarin mijote avec les os, offrant une acidité ronde, presque fruitée, capable de soutenir la chaleur.
La sauce de poisson assure la salinité ; un trait de glutamate ou de pla ra fermenté renforce l’umami, et le sucre reste discret, s’il intervient. Les versions bovines flirtent encore parfois avec l’amertume héritée (bile de vache ou bouillie herbacée appelée khee pia), mais ce sont des notes de bas de page, non des obligations.
Un bouillon opaque ou un piquant proposé en option signale une imitation : douceur marquée, crème de coco ou pâte de tom yum industrielle indiquent que vous n’avez plus affaire à un Tom Saap.
Les différents styles régionaux du Tom Saap
La version originelle, le Tom Saap Neua, conserve ses os de bœuf, une pincée de tripes et une couronne de feuilles de menthe qui atténue la note de gibier. La coqueluche de Bangkok, le Tom Saap Kraduk Moo, mise sur des travers de porc si tendres qu’ils se détachent à la première bouchée.

Commandez un Leng Saap et la cuisine dressera une tour d’échine de porc noyée dans le même bouillon, les piments accrochés aux vertèbres comme des confettis après un défilé. Les cuisiniers domestiques étirent la formule : ailes de poulet à Melbourne, poisson-chat à l’aneth à Khon Kaen, voire des versions 100 % champignons pour les convives végétariens.
Chaque déclinaison, pourtant, préserve les deux piliers que sont la limpidité et le choc. Sur les forums, les discussions opposent le glutamate monosodique (MSG) à un bouillon d’os de douze heures, débattent de la disponibilité de la coriandre longue au Minnesota ou de l’efficacité d’une poudre de galanga de secours (consensus : à peine). Tous, cependant, s’accordent sur l’essentiel : bouillon clair, riz grillé, acidité qui fait hocher la tête « saap » sans réfléchir.
Offrir un bol de ce plat revient à mettre en pratique le credo régional « partagez le saap », แชร์ความแซ่บ, en faisant circuler saveurs et camaraderie autour de la table. Rustique tout en finesse, le plat superpose agrumes et fumée, sueur et réconfort, chemins de campagne et néons citadins.
Qu’elle s’élève d’un chaudron de marché nocturne à Khon Kaen ou de votre propre casserole, la vapeur citronnelle–citron vert invite à replonger la cuillère, puis à souffler le mot แซบ อีหลี – « délicieux, vraiment ».

Authentique Tom Saap – Soupe aigre-piquante de L’Isan
Ingrédients
- 500 g de morceaux de cartilage de porc pointes de côtes, ou prenez des spare ribs, petits morceaux avec du cartilage, des petits os, …
- 3 litres d’eau
- 1 cuillère à soupe de galanga mûr finement haché, torréfié
- 2 cuillères à soupe de citronnelle finement émincée, torréfiée
- 4 échalotes émincées, torréfiées
- 2 feuilles de combava finement émincées, torréfiées
- 3 racines de coriandre hachées, substituable par la tige sans feuilles, torréfiées
- 2 gousses d’ail vinaigré légèrement écrasées, optionnelles
- 1 cuillère à café de sucre candi
- 2 cuillères à café de sel
- 6 cuillères à soupe de sauce poisson
- 4 cuillères à soupe de blanc de poulet haché (viande hachée, pas tranchée finement)
- 4 cuillères à soupe de jus de citron vert frais
- 1 cuillère à soupe de flocons de piment grillés
- 2 cuillères à soupe de riz grillé en poudre se fait maison ou s'achète en supermarché asiatique
- 1 poignée d’oignons verts émincés
- 1 poignée de culantro émincé
- 1 poignée de feuilles de basilic thaï
- pointes de basilic supplémentaires pour la garniture
Procédé
- Porter l’eau à vive ébullition, ajouter le cartilage de porc, réduire à un frémissement doux et cuire environ 1 heure jusqu’à tendreté.500 g de morceaux de cartilage de porc, 3 litres d’eau
- Pendant ce temps, torréfier à sec le galanga, la citronnelle, les échalotes, les feuilles de combava et les racines de coriandre dans une poêle à feu doux jusqu’à ce que les arômes se développent, puis piler le tout en une pâte fine.1 cuillère à soupe de galanga mûr, 2 cuillères à soupe de citronnelle, 4 échalotes, 2 feuilles de combava, 3 racines de coriandre
- Transférer la moitié du bouillon et du cartilage dans une petite casserole, incorporer la moitié de la pâte, une gousse d’ail écrasée, le sucre candi, le sel et la sauce poisson.2 gousses d’ail vinaigré, 1 cuillère à café de sucre candi, 2 cuillères à café de sel, 6 cuillères à soupe de sauce poisson
- Prélever du bouillon chaud dans un bol avec le blanc de poulet haché, écraser à la cuillère pour bien le disperser, puis reverser le mélange dans la casserole.4 cuillères à soupe de blanc de poulet
- Assaisonner avec le jus de citron vert, les flocons de piment grillés et le riz grillé en poudre, ajouter les oignons verts, le culantro et les feuilles de basilic, puis couper le feu.4 cuillères à soupe de jus de citron vert, 1 cuillère à soupe de flocons de piment, 2 cuillères à soupe de riz grillé en poudre, 1 poignée d’oignons verts, 1 poignée de culantro, 1 poignée de feuilles de basilic thaï
- Verser la soupe dans un bol de service, garnir de jeunes pointes de basilic et servir très chaud.pointes de basilic
Notes
- La préparation de poulet haché trouble la soupe et lui donne l’aspect légèrement crémeux recherché (น้ำข้น) dans les restaurants d’Isan.
- Comme la recette prépare le double de pâte d’herbes et d’assaisonnements, le reste peut être utilisé pour une seconde casserole de soupe.
- Maintenir un feu doux une fois le jus de citron vert ajouté, l’ébullition ternit le parfum d’agrume frais.