Le serveur dépose sur la table un plat large comme un wok, d’où s’échappe un fumet odorant, tiède, parfumé à la sauce soja et au gingembre. Des morceaux de poulet scintillent sous un vernis couleur acajou ; des nouilles translucides se recroquevillent comme des rubans de verre autour de pommes de terre grosses comme le poing, et de longs piments verts flottent à la surface, leurs graines rougeoyantes scintillant à travers la vapeur.
Avant même la première bouchée, le seul parfum: sucré, salé, légèrement poivré, suffit à expliquer pourquoi ce plat de marché, autrefois modeste, est devenu le réconfort préféré du pays les jours de pluie. Mais comment un braisage bon marché, né dans une ruelle provinciale, a‑t‑il pu acquérir un statut culte, de Séoul à New York ? La réponse se trouve à la fin des années 1980, dans le marché bruyant d’Andong.
Du système D de marché au statut d’icône nationale
À la fin des années 1980, la vieille galerie commerçante du centre‑ville d’Andong, surnommée « Chicken Alley », voyait venir les ennuis. Les échoppes de poulet frit à l’occidentale lui siphonnaient la clientèle et les vendeurs locaux avaient besoin d’un plat plus copieux, meilleur marché et facile à partager.
Leur solution: fusionner la technique familière du dakjjim, longue cuisson à l’étouffée d’un poulet entier, os compris, avec les accents sucrés‑salés de la marinade de galbi déjà vénérée en Corée. Dans le chaudron, on jeta une généreuse quantité de légumes et une poignée de nouilles de verre afin d’allonger la portion de protéines, le tout restant assez abordable pour un groupe d’étudiants.
La rumeur a vite circulé. Au milieu des années 1990, la recette avait gagné les quartiers universitaires de Séoul. À Andong, la Chicken Alley s’est officiellement rebaptisée « Jjimdak Alley » au début des années 2000.
La notoriété s’est emballée après qu’un reportage de KBS en 2001 l’a consacrée « révolution de la cuisine traditionnelle », et les chaînes franchisées ont bientôt fleuri sur toute la péninsule. Ce qui n’était qu’une improvisation de marché se classe désormais régulièrement juste derrière le bulgogi ( et devant bien d’autres plats plus célèbres ) dans les enquêtes touristiques sur les « incontournables », preuve du talent d’Andong à transformer la nécessité en identité nationale.
Le Jjimdak, qu’est-ce que c’est ?
La base de sauce soja brun‑foncée
Un jjimdak authentique baigne dans une sauce aussi sombre qu’une sauce soja vieillie. Le ganjang (sauce soja coréenne) est mélangé à du sucre roux ou du sirop de malt, de l’ail haché, du gingembre et parfois une lampée de vin de riz.
Certains cuisiniers d’Andong caramélisent une cuillerée de sucre (ou ajoutent même un trait de coca) avant d’y mettre le poulet, à la recherche de cet éclat presque noir et laqué. La saveur tient en équilibre sur un fil : sucrée, salée et aillée: jamais brûlante, jamais grasse.
La puissance des piments entiers
Au lieu du rugissement écarlate du gochujang, le jjimdak s’appuie sur l’autorité discrète de piments entiers. Quelques piments rouges séchés apportent une chaleur fumée, tandis que des piments verts Cheongyang incisés parfument le bouillon d’une chaleur franche et nette. Comme les piments restent entiers, la sauce demeure brune : chacune et chacun peut les éviter ou y croquer à sa guise, modulant ainsi le piquant sans teinter le plat de rouge.
Nouilles dangmyeon : non négociables
Glissées dans le wok durant les toutes dernières minutes, ces nouilles de fécule de patate douce s’abreuvent de la sauce concentrée jusqu’à prendre une teinte d’écorce et une mâche élastique. Nombre de Coréens affirment que l’âme du jjimdak, ce sont ces nouilles et non le poulet ; faites‑les disparaître et les « ajummas » d’Andong secoueront la tête.
Les seconds rôles comptent également : un poulet entier débité avec les os pour la profondeur, le quatuor pommes de terre‑carottes‑oignons‑chou qui étoffe le plat, et un bref saupoudrage de ciboule émincée et de sésame grillé qui éveille le palais juste avant le service. Bon, ici on substitue par du haut de cuisse mais voilà quoi vous avez compris l’idée.
Les ingrédients principaux du Jjimdak
Sauce soja light : Sauce soja claire, très utilisée en cuisine asiatique pour son goût salé et sa légèreté, elle sert ici de base salée pour la sauce.
Sauce soja dark : Sauce soja foncée, plus épaisse et sucrée que la light, elle apporte couleur et profondeur à la sauce.
Vin Shaoxing : Vin de riz chinois utilisé pour sa richesse aromatique, il parfume la sauce tout en aidant à attendrir le poulet.
Huile de sésame : Huile parfumée à la saveur de noisette, elle ajoute une touche finale aromatique à la sauce.
Graines de sésame : Saupoudrées à la fin, elles apportent du croquant et une note de noisette.
Nouilles de verre : Nouilles translucides à base de fécule (patate douce par exemple), on les appelle aussi glass noodles, elles absorbent la sauce et ajoutent de la texture au plat.
Piment rouge séché : Ajoute un piquant modéré et un parfum légèrement fumé à la préparation.
Authentique Jjimdak de Andong
Matériel
Ingrédients
- 1 kg de poulet de préférence hauts de cuisse, avec la peau
- 700 ml d’eau
- 90 g de nouilles de verre poids sec
- 1 pomme de terre en gros cubes d’environ 2.5 cm
- 1 oignon émincé
- 1 carotte en tranches
- 2 oignons verts en segments
- 1 piment rouge séché en segments
- 3 gousses d’ail en tranches
Sauce
- 4.5 cuillères à soupe de sauce soja light
- 1 cuillère à soupe de sauce soja dark
- 3 cuillères à soupe de vin shaoxing
- 3 cuillères à soupe de sucre brun foncé
- 1.5 cuillères à soupe d’ail haché
- 1.5 cuillères à café d’huile de sésame
- 0.25 cuillère à café de poivre noir
- 2 pincées de gingembre en poudre
Garniture
- oignons verts en fines tranches
- graines de sésame blanches
Procédé
- Blanchir le poulet 1 minute afin d’éliminer une partie du gras et des impuretés1 kg de poulet
- Égoutter l’eau et mettre le poulet de côté700 ml d’eau
- Faire tremper les nouilles de verre dans de l’eau chaude pendant la préparation des autres ingrédients90 g de nouilles de verre
- Mélanger tous les ingrédients de la sauce dans un bol4.5 cuillères à soupe de sauce soja light, 1 cuillère à soupe de sauce soja dark, 3 cuillères à soupe de vin shaoxing, 3 cuillères à soupe de sucre brun foncé, 1.5 cuillères à soupe d’ail, 1.5 cuillères à café d’huile de sésame, 0.25 cuillère à café de poivre noir, 2 pincées de gingembre en poudre
- Placer le poulet et l’ail dans une grande poêle chauffée à feu moyen-vif3 gousses d’ail
- Roussir le poulet quelques minutes
- Verser la sauce et l’eau sur le poulet
- Porter à ébullition, puis réduire à feu moyen et laisser cuire pendant 15 minutes
- Ajouter la pomme de terre, l’oignon, la carotte et le piment dans la poêle1 pomme de terre, 1 oignon, 1 carotte, 1 piment rouge séché
- Cuire à feu moyen-vif pendant 15 à 25 minutes, jusqu’à ce que les ingrédients soient presque cuits
- Ajouter les nouilles égouttées et les oignons verts2 oignons verts
- Cuire encore 10 à 15 minutes à feu vif ou jusqu’à ce que le liquide se soit presque évaporé, puis éteindre le feu
- Attention à mélanger régulièrement pour éviter que le fond ne brûle
- Agrémenter de graines de sésame et d’oignons verts en tranchesoignons verts, graines de sésame blanches